Le concept de location de vêtement est loin d’être nouveau. En France, dès le XIXe siècle, les maisons de locations de costumes font florès : elles sont spécialisées dans les occasions spéciales, fêtes, soirées costumées, proposant des costumes d’époque.
Puis, l’avènement du smoking fera également les beaux jours de la location de vêtements.
La tendance est née en effet d’un besoin : celui de se fournir un « vêtement » de cérémonie, du smoking à la robe de mariée, qui ne sera à priori porté qu’une unique fois.
Aujourd’hui, ce mode de consommation de mode tend à se déployer dans le champ du quotidien et plus seulement dans celui des grandes occasions.
Il se propage dans la veine de l’économie circulaire, du partage… Le principal atout de la location, et les premiers à y adhérer sont les consommateurs de la génération Y. Ceux -ci sont plus sensibilisés que leurs aînés à l’impact de la production sur l’environnement, et également plus soucieux de composer avec leur pouvoir d’achat. Louer des vêtements permet de continuer à consommer sans pour autant acheter. Et, parfois d’avoir accès pour un soir à des pièces autrement inaccessibles. Jean-Paul Gaultier a ainsi surfé sur la tendance en ouvrant voici quelques mois son service de location de ses pièces vintages, uniques et bien sûr… Iconiques.
La location permet de réduire l’impact de production et de commercialisation d’un vêtement.
C’est aussi une autre façon de recycler via le partage.
Autre avantage, désencombrer ses placards, renouveler sa garde-robe facilement, sans surconsommer, tout en restant en phase avec la mode.
Selon un rapport d’Allied Market Research, spécialiste américain d’études de marché, le marché mondial de la location de vêtements en ligne est évalué à 1,013 milliards de dollars en 2017 et ses estimations font état d’une croissance moyenne de 10,6 % pour atteindre 1,856 milliards de dollars d’ici 2023.
En France, plateformes spécialisées comme marques et enseignes, premium et/ou de mass market, commencent à appréhender l’ampleur de ce futur eldorado et se sont déjà bien engagées dans l’aventure.
L’un des pionniers, dans l’Hexagone, est la marque de chaussures Bocage (groupe Eram), qui lançait fin 2018, dans une perspective de développement durable son service de location de chaussure, « l’Atelier Bocage » pour 29 euros par mois. C’est la première grande enseigne à avoir testé ce type de service.
Fin 2019, H&M s’y met, proposant pour 32 euros par mois aux membres de son programme de fidélité une offre d’abonnement de trois modèles (maximum) de sa ligne éco-responsable « Conscious Exclusive ».
Dans le même registre de gamme, l’enseigne française Kiabi a choisi le créneau de la maternité pour expérimenter l’été dernier son service de location de modèles pour les femmes enceintes, dont la particularité est de s’adapter au fil des mois à leur nouvelle silhouette. Cette solution est proposée en ligne, via le service « location by Kiabi ».
Sur le volet du premium, les enseignes françaises telles que Ba&sh, Maje, Claudie Pierlot, ou encore Sœur, Sessun, Sezane, Balzac Paris, ont été convaincues.
Leurs solutions diffèrent légèrement en termes d’offres (robes de soirées, toute la collection intégrée dans le service, le nombre de pièces et le prix de l’abonnement, prenant également en compte le délai de location).
Mais le business model reste globalement le même : livraison et retours gratuits, possibilité d’essayer le même modèle en plusieurs taille, et d’acheter, à prix réduit, une pièce louée au préalable.
En parallèle à ces nouveaux services de marques, les plateformes spécialisées se font plus nombreuses dans le paysage : Ma Bonne Amie, Les Prêteuses, Les Cachotières… proposent, via leurs partenariats avec des marques, des dressings variés pour toutes les occasions.
Mettant en avant ce moyen vieux comme le monde et économique de rester à la mode sans grever son budget.
Une formule pas encore rentrée dans les mœurs
Devant le phénomène, situé pile à l’intersection de l’économie circulaire et du « plaisir de mode », la start-up à impact Lizee, spécialisée dans les solutions de location et de ventes de seconde main grâce à un logiciel Saas, a commandé en juin dernier une étude au cabinet Neo Market Studies, qui évalue la maturité de ce marché émergent et les aspirations des consommatrices.
Les répondantes ont notamment été invitées à réagir à deux typologies d’offres de location : l’une à 40 euros par mois pour des marques premium et une autre à 25 euros par mois pour des marques plus accessibles.
Cette étude quantitative sur la location de mode féminine a été menée auprès de 500 femmes âgées de 25 à 35 ans, la moyenne d’âge étant de 29 ans.
L’étude balaie notamment les habitudes d’achats et les facteurs déterminants pour souscrire à un abonnement de location de vêtements. Avec, en toile de fond : le marché, dans un concept au pouvoir d’achat problématique et à la prise de conscience générale de l’impact négatif de la production de mode et de surconsommation sur l’environnement.
Le volet concernant les modes actuels de consommation de produits mode montre que la location de vêtement n’est pas encore rentrée dans les mœurs : les trois quarts du panel interrogés n’ont en effet encore jamais loué de vêtements. « Ce mode de consommation est encore peu répandu et peu connu des consommatrices », relève l’étude.
Toutefois, l’enquête révèle aussi qu’elles sont « prêtes à y aller » : 70 % se disent en effet prêtes à adhérer à une offre d’abonnement, conscientes de l’impact positif pour l’écologie de cette solution qui permet aussi de renouveler facilement et rapidement sa garde-robe. Même si, comme le souligne également l’enquête, 42 % des femmes interrogées achètent encore des produits de mode neufs au moins deux fois par mois.
La ligne de basculement pourrait venir du succès grandissant de la seconde main, de plus en plus installée dans les habitudes de consommation : un quart du panel interrogé a acheté en effet plus de 10 vêtements d’occasion au cours des six derniers mois. Et 87 % en ont acheté un pendant la même période.
Les facteurs clés pour souscrire à une offre de « box » vêtements sont divers, mais le prix reste en haut de la liste, critère numéro un pour 23 % des répondantes.
Le prix « juste » est de 25 euros par mois, pour les enseignes de mass market (Zara, Promod, Cache Cache) défini par Lizee pour les besoins de l’enquête : ce tarif d’abonnement rencontre l’adhésion de 55 % du panel.
Pour une offre à 40 euros concernant dans ce cas des marques telles que Maje, Sœur, Sessun, Claudie Pierlot, Sezane, Balzac, l’accueil du public est également positif en déclaratif, 87 % des femmes interrogées jugeant ce prix « aligné » avec le marché.
Pour 37 % des femmes cependant, l’atout principal des offres de location est le renouvellement de leur garde-robe. La location de vêtements reste toutefois, à l’heure d’aujourd’hui encore réservée aux grandes occasions par les adeptes de ce service.
L’hygiène est également un critère déterminant (à 23 %), suivi par l’offre de choix des produits (22 %), la simplicité de la procédure d’abonnement (21 %) et enfin, l’impact écologique positif que la location de vêtement entraine (9 %).
« Le contexte économique semble propice pour développer cette nouvelle manière de s’habiller, plus économique et responsable. La balle est donc dans le camp des marques pour enrichir leur offre dans des gammes de vêtements du quotidien », estime Anna Balez, CEO de Lizee.
Si L’achat neuf est encore une composante essentielle dans les comportements d’achat, l’envie de nouveauté et de nouveaux modes de consommation apparaissent aujourd’hui comme un élément clé de la motivation des acheteuses de mode.
La seconde main est aujourd’hui très largement installée dans les habitudes d’achats mode de la cible interrogée, (les 25 -35 ans) pour des pièces plus audacieuses ou trop chères.
Si la location est marginale dans les usages et « utilisée » encore très majoritairement pour des occasions spéciales, il n’en reste pas moins que l’offre existante dans le domaine est bien accueillie.
Tout indique que la location de mode devrait rapidement se développer à moyen terme, notamment auprès des Milleniums.
O.M