Les mesures supplémentaires prises pour défendre et maintenir le pouvoir d’achat des Français sont pour le moment évaluées autour de 2 milliards d’euros qui s’ajoutent aux milliards déjà dépensés à la suite des crises des gilets jaunes, de la COVID, de la guerre en Ukraine, de l’inflation et de l’énergie, aggravées par la spéculation et la valse des étiquettes, pratique déjà bien rodée dans l’Hexagone.
Le déficit du commerce extérieur français de plus de 80 milliards en 2021 pose suffisamment de questions non résolues pour décourager les entrepreneurs dynamiques même les plus « risque tout », alors que l’industrie française ne représente plus que 10% du PIB national (-50% depuis les années 80). Pour les experts économiques, la solution, alors qu’on parle de déclassement, passe par une nécessaire relocalisation. Or cette relocalisation qualifiée d’incontournable est déjà faussée car trop orientée vers les produits à forte valeur ajoutée. En effet, depuis 40 ans, c’est une délocalisation de produits de grande consommation à faible valeur ajoutée qui a entraîné la situation économique actuelle : textile, jouets, petite métallurgie ou électroménager, avec pour résultat chômage, stagnation du niveau de vie, désertification économique et territoriale.
Quel intérêt a-t-on à faire fabriquer en Asie les produits du quotidien, alors que les droits humains et les règles introduites sur le climat et la décarbonisation n’y sont pas respectés. De plus, en 40 années de délocalisation la majorité de nos sous-traitants asiatiques sont devenus nos concurrents directs après avoir copié ou assimilé nos techniques et leurs applications.
La différence de valeur ajoutée entre les différents secteurs économiques ne doit plus être le dogme qui va décider aujourd’hui d’une délocalisation tant les règles commerciales internationales, environnementales et géostratégiques changent la donne et deviennent rapidement inadaptées : la mondialisation heureuse est à bout de souffle mais trouver des solutions pour une démondialisation tranquille s’avère compliqué.
Cette mondialisation a créé une nouvelle élite intellectuelle faîte de financiers omniprésents, de politiciens inamovibles (comme sous l’Ancien Régime) et de technocrates-experts savants, dont le niveau des diplômes commence à BAC +8 et ne correspond plus à aucune réalité pour la majorité des citoyens. Leur légitimité à cependant été mise en cause par une série de crises inédites citées auparavant, dont les solutions proposées jusqu’à présent ne garantissent pas l’optimisme.
Comment sortir d’une situation générale inquiétante qualifiée de plus en plus de déclassement ? Peut-être en commençant à regarder chez les autres et notamment vers deux pays, l’un petit, l’autre grand qui peuvent nous servir d’exemple : la Suisse et le Japon.
Les Suisses parce qu’ils ont érigé l’apprentissage comme moyen de réussite en associant intimement métiers et entreprises, artisanat et industrie, dans un moule commun à la fois de formation et de civisme. Les Japonais quant à eux ont pour règle d’or la recherche du consensus, donc l’obligation pour chacun de comprendre l’autre afin de trouver un équilibre entre les intérêts des différents acteurs, et donc de définir ce qui est utile pour tous.
De même, dans l’Hexagone, les collectivités territoriales, de la commune au département jusqu’à la région, doivent se réapproprier leur rôle de consultation et de décision qu’un état parasitaire et tentaculaire anarchique leur a volé : seules elles savent mobiliser les forces vives citoyennes encore présentes sur le terrain pour répondre aux besoins du marché intérieur, trouver les conditions de réinstallation des usines, et évaluer l’obligation de simplifier une organisation administrative pléthorique dans sa composition comme dans son fonctionnement.
Associer formation, artisanat et industrie comme les Suisses, rechercher le consensus ou l’ikigai comme au Japon, c’est à dire le juste milieu utile à tous, sont peut-être le début d’une solution pour éviter, par manque de courage, le déclassement promis, en y ajoutant le changement du mode de recrutement de nos futures élites et en les choisissant dans toutes les couches sociales. Après avoir raté l’informatique, les biotechnologies et bientôt l’intelligence artificielle rappelons-nous que dans l’ancienne économie, des secteurs laminés par des délocalisations imposées (textile, cuir, métallurgie, …) peuvent rejouer un rôle de reconquête et non de déclassement : il est grand temps d’y penser, avant qu’il ne soit définitivement trop tard !
JPV