Nos ténors des marques, de la production délocalisée, de la distribution ont trop souvent oublié ce qu’ils avaient appris dans « l’ancien temps » ou le textile-habillement était à 90 % Made in France, quand les ouvriers travaillaient sur des chaînes de production française, quand la distribution n’était pas féodée à l’hyper finance, quand les commerçants étaient majoritairement indépendants, quand l’armée des succursalistes ou franchises était encore balbutiante : à savoir l’heureux temps d’un Made in France ou les approvisionnements étaient sécurisés, la chaîne logistique réduite donc fiable, les cadres techniques et les ouvriers formés en apprentissage dans les territoires par des entreprises ou par une éducation nationale en phase avec les besoins des acteurs productifs avec des diplômes du CAP, BEP, BT, BTS reconnus unanimement. Heureuse époque où les élites politiques et administratives n’avaient pas le pouvoir discrétionnaire et dictatorial des élites actuelles, où les communicants et les experts du rien du tout, amateurs des chaises musicales n’avaient pas encore pris le pouvoir de l’information.
À l’heure des fusées supersoniques, des bateaux qui volent, des robots voleurs d’emploi et des drones pigeons voyageurs, les crises des gilets jaunes, de la COVID, de l’Ukraine, des masques, de l’huile de tournesol, du doliprane ou autres nous montrent violemment les limites d’une mondialisation heureuse commencée il y a 40 ans : la disparition du travail, la santé gratuite, le niveau de vie assuré, et pourquoi pas la mort repoussée aux calendes grecques, toutes ces promesses sont remises en cause et en pleine lumière. Mais la mondialisation à marche forcée, incontrôlée, irraisonnée et surtout inégalitaire nous annonce peut-être une démondialisation elle aussi incontrôlée avec autant de risques de ruptures que ceux imposés par la mondialisation. La COVID n’a pas encore fait repousser les usines, les respirateurs, les masques ou les puces électroniques.
Alors pourquoi ne pas appuyer la reconquête industrielle sur les secteurs laminés par la mondialisation mais dont il reste encore une partie productive dynamique. Le textile-habillement peut être un atout évident grâce à ses façonniers et à ses marques si l’on voulait enfin resserrer les liens entre ces 2 acteurs et favoriser sur le plan économique un avenir de développement et de reconquête notamment extérieure : une économie plus durable, moins gloutonne en énergie et décarbonée y trouverait également son compte.
Trop de mots à connotation bipolaire et négative sont apparus dans notre univers productif ces derniers temps : recycler, récupérer, réparer, rapiécer, raccommoder, réhabiliter, racheter, reconversion, rationnaliser, … alors que d’autres avec le même préfixe sont plus offensifs : relocaliser, renaissance, réindustrialisation, relance, rebondir, reconquête, « remontada » (très à la mode) ou tout simplement renouveau…
Encore faut-il que l’État lui-même recrée les conditions économiques indispensables favorables pour que les « re » positifs et dynamiques reprennent l’avantage sur tous les « re » négatifs. Mais cela est une autre histoire !
J-P.V