Dans un métier qui requiert une centaine d’opérations manuelles, de choix des peaux au gant fini, on est plus qu’habitué à la difficulté.
Il faut sortir les différents grains et couleurs puis s’appliquer sur une couture qui doit être impeccablement droite, avoir l’œil sûr, le toucher savant dans la coupe, rythmer à la perfection des gestes centenaires et manipuler avec tendresse des outils émouvants par leur modestie.
« Difficulté » qui s’épanouit dans les ateliers où règne lumière, calme, concentration, subtile odeur de cuir chaude et poudrée.
La coupe
Quand on voit le coupeur tendre et retendre la peau sur la table, l’étirer comme une pâte encore et encore entre les charrettes, l’assouplir et lui donner la bonne nervosité gommer une cicatrice, on comprend pourquoi l’on traite ce métier de physique. Aux petits soins, ils attaquent, humidifient, et tirent encore, jamais en force.
Personne ne résiste au travail d’une peau et à son incroyable métamorphose. Il faut voir le coupeur opérer. C’est la main et c’est magique. Puis, il pose son gabarit en carton qui définit la largeur de la main. Coupe avec ses ciseaux un carré de peau. Pose les patrons du gant : mains, pouces, fourchettes (entre doigts). Découpe la forme à l’emporte-pièce en métal. Le gabarit du gant est « fendu », l’emplacement des doigts se détermine, la surface réservée au pouce est évidée.
On numérote les pièces.
Regroupés en passes les éléments du gant sont transmis à l’atelier de couture
L’atelier de couture
La contre maîtresse et ses couturières savent interpréter n’importe quel croquis, question d’intuition, de bon sens, de sensibilité, d’intelligence. Après la création du patronage, intervient alors le travail « fait main » des décors, laçages, tressages, nervures…
Puis le montage du gant avec des coutures réalisées soit point par point à la main, soit sur de très anciennes machines précieusement maintenues en état de marche. La doublure en jersey de soie, ou en cachemire, est cousue à la main, un travail d’orfèvre, maille par maille.
Le gant est alors dressé sur une « main chauffante » en métal.
On le lisse et on le caresse jusqu’à ce que disparaissent toutes traces de manipulations, la fin de multiples étapes de contrôle et vérifications.
Durée de l’opération : cinq heures !
La maison Agnelle fête cette année ses 85 ans.
Agnelle est une histoire familiale singulière, rythmée par quatre générations. Aujourd’hui, c’est Sophie Grégoire, qui est à la tête de l’ancien atelier de ganterie créé en 1937 à Saint Junien en Limousin par son arrière-grand-père.

Cristallisation de savoir-faire et de créativité, Agnelle résonne et fusionne avec les belles maisons de couture.
En maintenant les gestes ancestraux qui transcendent les commandes spéciales des maisons de luxe par leur délicatesse et leur réactivité, Sophie Grégoire crée en parallèle en 1988 un atelier aux Philippines, dont tous les artisans de cet atelier sont formés par ceux de Saint Junien.
Son obsession : cultiver un savoir-faire de la ganterie pour s’adapter à la mode, aux nouvelles technologies, et développer sa propre marque.
Grâce à son acharnement la griffe sera plusieurs fois récompensée.
En 2007 Agnelle reçoit le label « Entreprise du patrimoine vivant » qui distingue des entreprises aux savoir-faire artisanaux et industries d’excellence.
En 2011, Agnelle est inscrit officiellement à l’inventaire des « Métiers d’Art Rares » dans le cadre de la Convention de l’Unesco, pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du monde