Des projets phares en matière de relocalisations textile voient le jour et s’implantent dans les hauts de France, région en passe de devenir la « silicon Valley » du textile français. Et le côté remarquable de la chose est que ces projets représentent les deux prismes de la chaîne, l’amont (la matière) et l’aval (la fabrication).
Le retour du lin
Le chantier le plus connu est celui de producteur de lin Safilin, entreprise saillysienne (Sailly-sur-la-Lys) de plus de 250 ans, qui a annoncé voici un an la (re) – création d’une filature de lin dans les environs de Béthune, qui devrait être complètement opérationnelle à l’été 2022.
Safilin, a choisi ce retour dans l’un des bassins les plus riches en culture de lin, 25 ans après sa délocalisation en Pologne dans deux usines d’où proviendront les métiers.
Le projet, poussé notamment par la montée en puissance de la volonté des consommateurs d’acheter des produits locaux, a nécessité dans un premier temps un investissement de 5 millions d’euros, et bénéficie d’un coup de pouce de Bpifrance et de la région Hauts-de-France : à la clé, une cinquantaine d’emplois à l’horizon 2024.
Le site de 6 000 m2 abritera, à terme, 14 métiers à filer.
Safilin prévoit de produire 350 tonnes par an de fils de lin en France, soit 10 % de sa production totale.
« Alors que 80 % de la production mondiale de lin se situent entre la Normandie et les Pays-Bas – dont 40 % dans les Hauts-de-France, la France a perdu toutes ses filatures, et, avec cette usine, c’est aussi la filière linière française qui retrouve un outil de production local ouvrant la voie à une création 100 % made in France, du champ au produit fini », avait commenté lors du démarrage du projet Olivier Guillaume, P.-D.G. de Safilin.
Des Jeans Made in France
Autre projet phare, celui de l’implantation d’une usine de jeans par Fashion Cube dans le Grand Lille.
Le groupement de marques de grande distribution de l’association Mulliez (Jules, Pimkie, Biz-bee, Rouge-Gorge et Grain de Malice) dispose d’une forte de frappe évidente, ce qui confère une belle envergure à ce projet, imminent. Baptisé le Fashion Cube Denim Center, il a été annoncé au printemps 2020 et devrait commencer à livrer ses premiers jeans chez Jules en mai prochain.
Christian Kinnen, le chargé du projet a reprécisé lors d’une journées de talks organisée par la Fédération du Prêt-à-Porter Féminin les objectifs de cette future usine : si les premières commandes viendront de Jules, marque locomotive de Fashion Cube, à terme, le nouvel industriel a vocation à travailler pour d’autres marques que celle du groupe.
L’objectif est de produire 410 000 jeans par an, tous entièrement conçus, coupés, confectionnés, délavés (à l’ozone et au laser) sur le site qui devrait compter 260 collaborateurs en février 2022. « Nous ne produirons que ce que nous serons en capacité de vendre, sans décote et sans résiduels en fin de collection, pour redonner toute sa valeur à un produit Made in France et citoyen », a expliqué Christian Kinnen, soulignant un business model respectueux.
L’automatisation va être importante, pour contribuer à réduire les coûts de fabrication du Made in France.
Si le modèle s’avère probant et rentable, Fashion Cube pourrait « dupliquer » des mini usines locales, dans d’autres régions où à l’étranger.
Une Mode Vertueuse
On ne présente plus enfin, pour clore cette liste non exhaustive, le Plateau Fertile à Roubaix ce lieu unique dédié à la mode circulaire et éthique. L’espace, fondé voici quatre ans, sous l’impulsion de l’association Fashion Green Hub, créée et animée par Yannick Jehanne, fédère aujourd’hui 300 entreprises sur toute la chaîne de valeur textile. Il se veut le centre d’un écosystème de mode vertueuse.
Piloté par une équipe de permanents d’une douzaine de personnes, Le Plateau est un atelier « tête de pont » pour porter les projets éco-conçus que les marques partenaires veulent réaliser, et accueille également des stylistes free-lance spécialisés dans l’éco-conception. Le fabriqué local et l’upcycling sont ses piliers.
Labelisé depuis peu « Manufacture de proximité », le Plateau Fer-tile élargira son champ d’action en 2022 avec une matériauthèque et le lancement d’une formation au métier de couturier Upcycling. Et la boucle passera bientôt par Paris : la formule va être dupliquée dans le 13e arrondissement, où Station F et l’IFM (Institut Français de la Mode) sont déjà installées.
On y retrouvera les activités qui ont construit le succès du tiers-lieu roubaisien (bureau d’études et de prototypage mutualisé, des sessions de formation à la mode durable et aux nouveaux process de production, l’organisation d’événements BtoB sur les questions de la mode post-carbone, la location d’espaces de coworking ou de résidence pour les créateurs, etc).
D’ores et déjà soutenu par la Ville de Paris et par un collectif qui compte une centaine entreprises franciliennes, il rendra la mode durable plus accessible à toute la filière, en Ile-de-France cette fois-ci.