Le virage est radical. Depuis le début de la crise du Covid-19, les retailers du monde entier font face à des changements majeurs : boom des commandes e-commerce, déploiement des magasins entrepôts, clients prêts à se déplacer en magasin s’ils sont sûrs d’acheter. En quelques semaines, l’omnicanalité est devenue la norme, imposant la nécessité d’un stock unifié. « Avoir un stock unifié est plus que jamais fondamental », résume Cédric Ducrocq, P.D.G. de Diamart Group. « Sur le plan opérationnel, c’est pour beaucoup de retailers la 1re étape pour optimiser les ventes en ligne et les opérations de back-office ».
Cette prise de conscience a été très forte dans la mode, où beaucoup d’enseignes se sont retrouvées avec des surstocks importants en raison de produits bloqués en magasin quand les entrepôts e-commerce étaient en rupture de stock.
Mais elle a aussi touché d’autres métiers comme l’électronique, le bricolage et même le luxe, avec des déclarations emblématiques, comme celle de Giorgio Armani. « Il faut rectifier le rythme absurde des saisons de la mode commerciale, qui pousse les enseignes à vendre des robes en lin en hiver et des vestes en laine d’alpaga en été ».
Autre axe majeur ? Les services omnicanaux sont les grands gagnants de cette période. Dans tous les secteurs, le click & collect et le ship from store s’imposent – tous deux hautement stratégiques car ils permettent de fluidifier l’orchestration des commandes et de reconstituer de la marge.
C’est le cas pour Old Navy et American Eagle Outfitters aux USA, Decathlon en Europe, etc. « Quand un client commande un produit sur Internet, la RFID permet de savoir dans quel magasin il ne tourne pas, et au lieu d’attendre les soldes pour le vendre à -50 %, de l’écouler à plein tarif sur le Web », précise Michel Koch, D.G. de l’Institut du Commerce Connecté. « Cela permet d’optimiser la rotation d’un stock global en vendant en ligne des produits qui, sans cela, finiraient discountés ».
La tech au cœur de l’Expérience Retail
Comment proposer aux clients une expérience d’achat agréable, efficace et rapide ? Décryptage d’une nouvelle quadrature du cercle.
Gérer les flux clients
Garantir la bonne distanciation sociale et contrôler les flux des clients est devenu un enjeu majeur. Pour réduire l’attente à l’entrée des magasins, la file d’attente virtuelle se déploie chez de nombreux retailers.
Au Royaume-Uni, les supermarchés Asda proposent à leurs clients de réserver leur place avec leur smartphone. Ceux-ci peuvent ensuite attendre, dans leur voiture, une notification les autorisant à entrer dans le magasin.
En Allemagne, Media Markt et Saturn déploient la technologie Xplace dans leurs 430 magasins, qui permet de réguler la fréquentation. Les capteurs fonctionnent grâce au système de comptage déjà installé dans les bornes de sécurité à l’entrée du magasin. Stackr® a développé une application décomptant les entrées et sorties. Plus innovant, il est capable d’analyser plus finement le flux à l’intérieur du magasin grâce à la différenciation entre vendeurs et clients.
Afin de faciliter l’accès au magasin, Lacoste propose à ses clients VIP de prendre un rendez-vous pour privatiser la boutique en dehors des heures d’ouverture. Cet enjeu de gestion des flux concerne aussi l’intérieur des boutiques. Ainsi, la start-up Beabloo est capable d’identifier les zones à risques et les produits les plus touchés afin de réaménager les espaces de façon optimale.
Repenser l’essai des produits
Dans les magasins de mode et de maison, le fait de pouvoir toucher et visualiser les produits est un atout majeur de l’expérience d’achat. Beaucoup de griffes ont ainsi maintenu l’essayage, communiquant avec vigueur sur les mesures sanitaires associées (nettoyage des vêtements au fer à vapeur, mise en quarantaine pendant 48h…). Sur ce sujet, la réalité augmentée pourrait jouer un rôle majeur, notamment chez les enseignes de décoration (visualisation d’articles en réalité virtuelle).
Le « pure-player » Asos a déjà fait ce choix avec le déploiement de la solution de réalité augmentée « See my Fit », conçue par une start-up israélienne. Celle-ci permet à ses clients de visualiser les produits portés sur six morphologies distinctes, dans divers coloris et tailles, pour près de 500 articles chaque semaine.
En France, la startup Fitizzy a, elle aussi, développé une application qui permet aux clients de choisir la taille de vêtements la plus adaptée à leur morphologie sans passage en cabine.
Essayage à domicile
Si son équation économique reste à trouver, voici un autre schéma en test.
En Inde, Marks & Spencer a étendu le délai de remboursement et d’échange des vêtements à 90 jours pour les produits non soldés, permettant aux clients de les essayer à la maison puis de les changer en magasin si besoin. Benetton (225 points de vente en Inde) s’inscrit dans la même démarche. « Entre 45 % et 60 %de notre clientèle est fidèle avec une bonne fréquence d’achat, donc nous nous concentrons sur cette cible plutôt que d’opter pour du recrutement », explique Sun-deep Chugh, P.D.G. de Benetton-Inde. « Nous leur envoyons notre catalogue de produits via What’s app et s’ils ne veulent pas venir en magasin, nous livrons les produits à essayer chez eux. »
Nouveaux rôles du staff
Au-delà de garantir la sécurité sanitaire, la mission nouvelle des vendeurs est de booster le taux de transformation, la relation client et la rentabilité.
Le vendeur, acteur de la relation client.
En Chine, la mise en place de showrooms virtuels et de « live streaming » définit déjà l’expérience d’achat.
C’est le cas chez SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot), qui a lancé début 2020 le premier live-streaming en Chine. « Nous avons rassemblé plus de 2 millions de fans en cinq jours pour chacune des deux marques Maje et Sandro », explique son P.D.G. Daniel Lalonde.
En Chine toujours, L’Oréal a réalisé une grande opération sur la plateforme Red Live Streaming, pour présenter ses produits et distribuer des goodies et bons de réductions afin de doper les vues. Les grands magasins chinois Intime Retail (filiale d’Alibaba) ont également décidé d’orienter leurs vendeurs vers ce type d’actions, quand les magasins étaient fermés. Les 5 000 vendeurs ont démarré une activité de « live streaming » sur le site Taobao Live. Ils ont réalisé environ 200 sessions vidéo par jour, dans lesquelles ils mettaient en avant les produits afin de recruter et d’engager la clientèle. Les ventes en ligne d’Intime ont quadruplé sur la période, passant de 5 % à 20 %de l’activité totale. Aujourd’hui, la tendance se déploie au niveau mondial. Grâce aux plateformes digitales comme Hero et Whisbi, les utilisateurs visitant le site e-commerce électronique d’une marque peuvent déjà se connecter en direct avec des vendeurs.
Conseils d’experts et vente assistée.
Parmi les autres tendances observées, l’engouement pour les RdV clients (en ligne ou en magasin) se confirme. Ses avantages: redonner confiance aux clients via un accompagnement personnalisé, sans perte de temps (pas besoin d’attendre, voire de se déplacer…) pour un panier moyen accru. Cette stratégie a été utilisée à Hong Kong, où l’enseigne Aigle a maintenu ses magasins ouverts mais presque uniquement sur RdV pendant le confinement. Elle a ainsi réussi à maintenir une activité de l’ordre de 50 % de son historique de vente.
Au Royaume-Uni, John Lewis a opté pour la vente assistée à distance : 1 600 RdV virtuels (puériculture, aménagement de la maison, mode…) ont eu lieu sur un mois et demi en 2020. Pour Sophie Somers, en charge de la communication de John Lewis, « la réponse des clients est incroyable, et on voit que le panier moyen est bien plus élevé que pour les commandes e-commerce classiques. Au global, on voit que ces RdV nous permettent de recruter de nouveaux clients… Étant donné la simplicité du service, ils se terminent souvent par un 2e RdV de suivi et un achat ».
Paiement mobile et sans contact
Jusqu’au début 2020, les innovations en termes de paiement visaient à faire gagner du temps au client (caisses automatiques, Self-scanning) ou à fluidifier la relation client (tablettes vendeurs). Mais désormais, les consommateurs veulent aussi pouvoir payer en « sans contact » pour des raisons sanitaires, avec leur carte ou leur smartphone, sans toucher de TPE ni d’espèces.
« Depuis plusieurs années, le nombre de transactions de paiement sans contact augmente », constate Philippe de Passorio, D.G. d’Adyen en France.
« Depuis le déconfinement, cette tendance se confirme. En France, le paiement sans contact en magasin a crû de 10 % et le montant moyen dépensé a, quant à lui, bondi de 31 % ».
Raison invoquée ? La hausse des plafonds de paiement sans contact, passés de 30 € à 50 € en France et de 30 £ à 45 £ au Royaume-Uni. Selon une étude de Mastercard (8 000 personnes interrogées), 78 % des transactions « retail » en Europe se sont faites sans contact en avril 2020. Si la carte bancaire prédomine, le mobile augmente aussi : il a doublé au 1er trimestre 2020, passant de 7 % à 14 % des achats sans contact. Ce changement devrait s’inscrire dans la durée : pour 73 % des sondés, la fin de la pandémie ne changera pas leur usage du sans contact.
Dans la mouvance d’Alipay et WeChat Pay en Chine, de nouveaux acteurs européens favorisent ce déploiement. C’est le cas du Suédois Klarna, de l’Italien Satispay ou de la société de paiements digitaux Nexi, qui permet à ses utilisateurs de recevoir un SMS avec un lien pour effectuer un achat, sans être redirigé sur un site d’e-commerce. « Certains retailers constatent une augmentation de 20 % à 40 % du paiement sans contact, grâce à des solutions comme Klarna et AfterPay », a déclaré Dorte Wimmer, Associée chez Retail Institute Skandinavia.
Gérer les flux omnicanaux.
Avec le déploiement du click & collect et du ship from store, le coeur de métier des vendeurs évolue. Chez Intersport, les magasins pratiquant le « ship from store » ont créé des postes de Livraison à Domicile, souvent l’équivalent d’un plein temps par point de vente. Pour le Groupe Invivo Retail (jardineries Gamm Vert et Jardiland), ce sujet soulève aussi des questions de management. « Certains magasins sont passés en 100 % en « ship from store » mais humainement, la transition n’est pas si simple à effectuer », raconte le P.D.G. Guillaume Darrasse. « Concrètement, vous demandez à l’équipe que vous aviez recrutée pour sa capacité à aller vers les clients, de basculer vers un métier de gestion d’entrepôt, en lui fixant des objectifs de gestion de flux : mise en colis, nombre de commandes préparées/heure… C’est une nouvelle dimension du métier ».
Freiner et accélérer
Selon Michel Koch, Directeur Général de l’Institut du Commerce Connecté, la crise sanitaire aura fait davantage pour l’accélération digitale du retail en 3 mois que tous les consultants sur les 3 dernières années ! Force est de constater que les sujets de la data, des stocks unifiés et de la vision unique des clients ne sont plus des luxes, mais des « must ».
Cette période marquera bel et bien une étape décisive dans la transformation du métier de retailler. Le confinement et ses suites ont fait apparaître de nouveaux besoins qui vont s’inscrire dans la durée : un retour aux fondamentaux et un glissement progressif de l’hyper consommation à l’hyperconscience (RSE, bio, etc.).
La résurgence de leviers de conversion comme la qualité, le « Made in France », arrivent désormais au même niveau que la promo dans les facteurs de décision.
Enfin, l’accélération forcée du sans contact ne concerne plus uniquement l’étape du paiement en caisse, mais commence dès la préparation d’achat, avec des rendez-vous à distance, conseils vidéo, essayages virtuels… Cette débauche d’outils digitaux a comme corollaire le besoin croissant de recréer du lien et de la confiance.
Le commerce unifié devient synonyme de parcours clients cohérents et fluides, où la notion même de canal disparaît. Retailers, donnez aussi à vos clients une vision unique de vous-même, en tant qu’enseigne !
« Plus que jamais, l’avenir du magasin repose sur la capacité d’accélération et d’adaptation des retailers afin d’offrir des expériences client marquantes ainsi que des services innovants et utiles aux consommateurs – tout en simplifiant la gestion pour les équipes et en optimisant les coûts informatiques.
Cegid Retail Live Store permet aux marques et enseignes de capitaliser sur leur réseau de magasins physiques pour offrir une expérience shopping unifiée exceptionnelle, tout en capturant de nouvelles opportunités de vente ; c’est cela « Retail the New Way », devait conclure Nathalie Echinard, Directrice de la Business Unit Retail de Cegid.