Plus que jamais nous avons besoin de textiles à usages techniques. En effet, le monde moderne demande des adaptations et des innovations à un rythme accéléré.
Températures extrêmes, inondations ou sécheresse, virus, microplastiques, tension sur les matières premières, pénurie de main d’œuvre, substances toxiques… les sujets ne manquent pas, mais heureusement, des idées solutions se mettent en place. Notamment du côté de la biologie synthétique, de l’impression 3D, du recyclage, etc.
Filtration : tous concernés
Assainir, éliminer les polluants, virus et bactéries, faire barrière aux migrations de microplastiques, tout cela est l’affaire des systèmes de filtration. Masques covid, gaines d’aération ou filtres de lave-linge, ces non tissés capables de capturer les particules indésirables, sortent de leurs domaines d’applications spécialisées et font désormais partie du quotidien de tout un chacun.
Repérés au salon
- Oerlikon
La société Oerlikon a réussi à alléger les filtres pour masques covid jusqu’à 35 gr/m², tout en passant avec succès les normes FFP2.
Cette amélioration de la capacité filtrante permet non seulement de réduire la quantité de matière nécessaire, mais d’augmenter la respirabilité du masque de 30 %.
- Archroma
Perapret Air est untout nouveau système de filtration, destiné aux bâtiments, tentures etc. qui permet d’éliminer les polluants atmosphériques et les odeurs, sans altérer les supports ainsi traités.
Pour cela, Perapret Air fait appel au dioxyde de titane. Cette molécule, qui agit par photocatalyse sous des sources de lumière diurnes ou artificielles, est connue pour son efficacité. Cependant elle n’attaque pas que les polluants, mais aussi les matières organiques, y compris les fibres textiles telles que le coton, le polyester, le polyamide, la viscose…
D’où la conception inédite présentée par Archroma. Dans Perapret Air, les nanoparticules de dioxyde de titane sont encapsulées dans une sorte de cage minérale. Elles peuvent donc agir efficacement mais sont isolées de tout contact avec le support, préservant ainsi sa durabilité.
Process : de plus en plus efficaces
Pus rapides, plus flexibles, plus autonomes, plus compactes, plus productives, plus économes en matières, tous les constructeurs visent à améliorer leurs machines.
La question est d’autant plus cruciale que, entre la tension sur les matières premières, la crise énergétique, la pénurie de main d’œuvre, les restrictions réglementaires dues à la préservation de l’environnement, ce n’est plus une question de choix.
Mais cela pourrait constituer aussi un avantage positif dans le cadre d’un retour de délocalisation…
Repérés au salon
- Karl Mayer
Au salon, la compagnie a axé sa communication sur les solutions technologiques visant à optimiser les process, réduire la consommation d’énergie et les pertes de matières dans la chaîne de valeur. Parmi celles-ci, l’impression 3D intégrée, permettant d’inclure sur la maille même, des structures de renforcement par exemple.
Autre procédé : l’incorporation de systèmes électroniques directement dans le tricot chaîne pour des textiles connectés.
- ZSK
Remarquée par le jury du salon, la nouvelle tête de machine à broder Racer-R de ZSK est conçue pour atteindre des vitesses de broderie allant jusqu’à 2000 points par minute. Pour ainsi dire, quatre têtes de broderie Racer-R font le travail de huit têtes traditionnelles (qui ne vont pas au-delà de 1 200 points / minute), ce qui aboutit évidemment à une économie d’énergie, mais aussi un conséquent gain de place, et une diminution du volume sonore.
- Juki
Juki a développé un dispositif d’enroulement et d’alimentation automatique du fil de canette AW-3S. Cela permet de calculer automatiquement la quantité de fil de canette nécessaire, mais aussi de changer automatiquement le fil de couture.
Au total, c’est à la fois un gain de productivité, et une diminution du coût de main d’œuvre.
Biologie synthétique : pour sortir des microplastiques
Champignons, algues, bactéries… sont à la source de nouvelles recherches de matières premières, et constituent un énorme espoir pour un avenir exempt (ou avec moins) de plastiques issus de ressources fossiles. Fabriquées par fermentation, ces matières pourraient trouver leur place sous forme de fibres textiles ou de colorants. Ces bioplastiques existent néanmoins depuis longtemps, mais sont utilisés essentiellement dans des domaines très spécialisés (par exemple dans le médical pour des sutures qui se résorbent naturellement).
Aujourd’hui, tout le monde a les yeux rivés sur eux.
Et pas seulement, puisqu’on parle désormais de biologisation de l’industrie, où les microorganismes deviendraient partie prenante de la production. Une voie d’avenir donc, dont les exemples se multiplient.
Il restera néanmoins à s’informer sur l’innocuité de ces bioplastiques. L’article de Mark Gillispie, paru dans le Devoir le 11 août 2022, fait le point sur ce sujet.
Il convient de distinguer deux types de bioplastiques.
Le PHA peut être produit avec des micro-organismes qui fermentent dans de l’huile de canola. Il pourrait se biodégrader en six mois dans un environnement marin, et en deux ans sous terre.
Le PLA (l’acide polylactique) est issu de la fermentation du sucre du maïs ou de la canne à sucre. Contrairement au PHA (polyhydroxyalcanoates), le PLA ne se biodégrade pas facilement dans la nature et doit être mélangé à des résidus alimentaires dans des composteurs industriels. Enterré dans un dépotoir, il mettrait des dizaines d’années à disparaître.
Cette distinction est déterminante pour le comportement à adopter au moment du tri, et cela risque d’égarer encore davantage le consommateur final.
Repérés au salon
- Vienna Textile Lab et Living Color
Vienna Textile Lab et Living Color sont deux entreprises venues l’une d’Autriche et l’autre des Pays-Bas, qui travaillent dans le domaine des colorants microbiens. Elles ont élaboré ensemble une nouvelle solution d’encre biogénique, issue de la fermentation de déchets agricoles, pour l’impression textile.
Ces nouveaux colorants sont entièrement biodégradables, biosourcés et non toxiques.
C’est donc ainsi que le concept BInc ink est né qui fait partie des initiatives sélectionnées dans le cadre du projet européen ELIIT, lequel projet vise à promouvoir et soutenir l’industrie légère en Europe.
- Kaneka
Cette société japonaise a développé un matériau qui promet d’être idéal pour le packaging, notamment alimentaire. En effet, ce nouveau plastique, issu de la fermentation d’huile végétale promet d’être compostable et biodégradable, y compris dans l’eau de mer.
- Organix
Autre solution d’emballage, le film Organix. Issu de la peau de pomme de terre (déchet alimentaire donc), ce bioplastique est compostable. Il mettra 15 jours à se dégrader en compostage industriel, et 90 jours en compostage domestique.
- Centexbel
Le centre scientifique et technique de l’industrie textile belge, Centexbel a présenté au salon une innovation dans le domaine des revêtements et encres biosourcés.
Cette invention fonctionne aussi bien avec les PLA que les PHA.
La production de ces pâtes de revêtement biosourcées ne nécessite ni solvants ni équipement spécialisé, d’où un impact environnemental moindre et un prix raisonnable.
La dernière génération de plastifiants biosourcés est utilisée dans la dispersion pour rendre les revêtements flexibles, biodégradables, et applicables à un large éventail de substrats, y compris les textiles. Les dispersions peuvent être utilisées dans les applications de revêtement et de sérigraphie, et présentent une bonne résistance à l’abrasion.
Végétaux : encore du nouveau
Toujours regardées avec un a priori positif, les matières issues de végétaux n’ont pas fini d’étonner. Outre les innovations citées plus haut, quelques réalisations spectaculaires méritaient le détour.
Repérés au salon
- Verabuccia
Vérabuccia est une marque italienne, qui, par un procédé breveté en 2020, parvient à transformer la peau d’ananas en un matériau stabilisé : Ananasse.
Il peut être coupé, cousu, assemblé, comme un cuir ou un tissu. Le principal atout de ce matériau est qu’il conserve l’aspect de la peau d’ananas, loin des imitations plus ou moins réussies de cuir. Il n’est pas forcément agréable au toucher, mais il a enchanté les visiteurs saturés de composites méconnaissables à force d’être broyés, mixés, agglomérés, jusqu’à perdre leur identité, et devenir suspects.
- RBX
RBX (toujours dans le cadre du projet ELIIT, voir ci-dessus) a présenté une nouvelle fibre artificielle à base de chanvre qui semble faire partie des fibres artificielles les plus écoresponsables qui soient.
En effet, les points sensibles de cette famille de fibres sont les matières premières et la transformation. Côté matières, le chanvre est réputé pour sa culture non polluante.
Quant à la transformation, Irony est produit à basse température, avec un unique solvant recyclé après emploi.
Ce ne sont que quelques sujets parmi tant d’autres, tant la matière de l’innovation est féconde aujourd’hui. Car la véritable tendance, qui se ressentait déjà depuis un certain temps, mais que l’actualité a mise encore plus en évidence, c’est que le textile technique concerne désormais tout le monde et tous les domaines. Plus personne ne peut rester sur ses acquis.
F.F.