L’enquête sur la transformation de la chaîne de valeur dans l’industrie de la mode réalisée par Lectra et Nelly Rodi a été conduite entre septembre 2021 et février 2022, auprès d’une cinquantaine de directeurs généraux, directeurs de collection ou directeurs supply chain de marques de mode, tous positionnements confondus – luxe, premium, mid-market et discount.
Les enseignements des questionnaires, adressés online et complétés par des entretiens, avaient pour but de faire un état des lieux sur les actions déjà mises en place, les priorités pour 2022 et à venir et les enjeux organisationnels, technologiques et humains.
Ils ont permis d’identifier les chantiers stratégiques prioritaires des marques pour les mois et années à venir.
Sans surprise, selon 93 % des répondants, la pandémie a accéléré les projets de transformation.
Plus précisément, les résultats révèlent que cette mutation de la chaîne de valeur se cristallise autour de la supply chain des acteurs de la mode.
Pour Marie Dupin, Directrice business mode et lifestyle chez NellyRodi, et Katia Cahen, Directrice de l’intelligence marketing de Lectra : « Les métiers de la supply chain sont plus que jamais au coeur des préoccupations des dirigeants, car ils sont à la fois clés pour assurer les bonnes performances de l’entreprise et garants de la modernisation des processus comme de l’image de marque des entreprises ».
De l’agilité à une transformation plus profonde
L’enquête montre que les marques de mode doivent faire face à quatre enjeux devenus vitaux pour leur devenir : l’agilité, la rapidité, la durabilité et la customer centricity.
Selon l’un des répondants, « C’est l’équation idéale mais extrêmement complexe à résoudre : cela nécessite des investissements, du temps et de la formation, alors que notre quotidien n’est fait que d’urgences à régler ».
« Un quotidien davantage bousculé encore par la situation géopolitique actuelle et les problématiques d’approvisionnement, d’augmentation du coût des matières premières et du transport qu’elle engendre », ajoute Katia Cahen.
Afin de répondre à ces impératifs, des chantiers stratégiques prioritaires ont été définis par les acteurs du secteur :
- La transformation digitale : « Les quantités produites doivent être de plus en plus proches des ventes ; on ne peut plus se permettre de surproduire ». Du design à la production : production agile et quantités ajustées en temps réel (mentionné par 72 % des répondants) ; intégration de la data dans le processus de création des collections (73 %) et de prévision des besoins client (69 %).
- L’éco-responsabilité : éco-conception « conception intelligente dans le cycle de vie du produit » pour 72 % des répondants et transparence « traçabilité dans la chaîne d’approvisionnement » pour 70 % des répondants. L’écoresponsabilité reste un chantier plus prioritaire encore pour les marques premium, les marques de luxe étant déjà à pied d’œuvre sur le sujet.
- La redéfinition des modèles d’organisation : « la création de valeur n’est plus uniquement interne mais réside dans le collaboratif inter partenaires ». Le travail collaboratif, traçabilité dans la chaîne d’approvisionnement arrive à 70 %, même si cette priorité est moins importante pour les grandes entreprises ; la consolidation des partenariats existants et fiabilisation des fournisseurs à long terme (67 %), surtout pour les petites entreprises.
- L’optimisation du sourcing et de la production : « Le contexte est tellement instable et imprévisible qu’on ne veut pas mettre tous nos oeufs dans le même panier ». Dans ce cadre, la fiabilisation des approvisionnements, notamment grâce au multi sourcing atteint 67 % des répondants et concerne surtout les grandes entreprises. Assurer le ROI des outils de production est stratégique pour 66 % des répondants, même si 57 % des marques de luxe considèrent qu’il est prioritaire mais maîtrisé.
A noter que deux chantiers sont considérés comme secondaires : la relocalisation de la production, (made in France) qui à l’exception des petites entreprises n’est pas une priorité stratégique pour la moitié des répondants, et l’utilisation d’outils de visualisation 3D, pour les 2/3 des répondants.
Enfin, un certain nombre de chantiers ne sont pas encore amorcés ou ne le seront jamais et sont considérés comme non prioritaires : les plans de collection générés par l’intelligence artificielle (64 %), l’automatisation des process de validation des produits (44 %), la création 3D (66° %) la fabrication à la demande (44 %)
L’humain au cœur du changement
« Pour favoriser la réussite de ces chantiers, les entreprises devront mettre l’accent sur les collaborations stratégiques entre les différents acteurs de l’industrie, la circularité de l’information – c’est-à-dire la collecte et le traitement de la data de l’amont vers l’aval et vice-versa – et leur transformation culturelle comme organisationnelle – avec de nouvelles méthodes de management, de recrutement et de fidélisation des talents », commente Marie Dupin.
Cette transformation en profondeur ne sera possible qu’à la condition de surmonter les obstacles humains (cités à 83 % par les personnes interrogées) et technologiques (cités à 66 %).
Plus des deux tiers des répondants pensent que l’intégration d’outils numériques et collaboratifs pour gérer le cycle de vie produit ainsi que le management, la formation des équipes et le recrutement de nouveaux talents sont des solutions à ces difficultés.
Equation idéale… mais complexe !
Les métiers de la supply chain sont plus que jamais au cœur des préoccupations des dirigeants car ils sont clés pour assurer les bonnes performances de l’entreprise et garants de sa modernisation
Les quatres enjeux sont agilité, rapidité, durabilité, customer centricity. C’est l’équation idéale mais extrêmement complexe à résoudre et qui nécessite des investissements, du temps et de la formation alors que le quotidien est fait d’urgences à règler.
C’est donc une transformation de fond qui passera par :
- La simplification de l’assortiment de produits pour une plus grande réactivité en saison ;
- L’efficacité dans la conception et le développement de produits pour augmenter la rentabilité ;
- Le mix-sourcing avec relocalisation et nearshoring pour sécuriser les appros ;
- Des partenariats stratégiques avec des fournisseurs investis dans la digitalisation ;
- La digitalisation de la supply chain pour plus d’agilité dans l’analyse et les process ;
- Une réorganisation, des investissements et des formations pour mettre en place de nouveaux outils et développer de nouvelles compétences.